Lors de ses récentes décisions budgétaires, le gouvernement irlandais a décidé de lever une nouvelle taxe dite “taxe soda” sur les boissons sucrées. Les législateurs introduisent cette mesure comme un moyen de lutter contre l’obésité, que beaucoup considèrent comme ayant sévi en Europe depuis un certain temps. 54 000 adolescents irlandais obèses: c’est le nombre avec lequel les politiciens ont fait pression pour la nouvelle proposition fiscale. De toute évidence, tous ceux qui ne sont pas d’accord avec la mesure doivent être des méchants qui ne pensent pas aux enfants, malgré le fait que l’obésité infantile ne sera pas stoppée par une augmentation du prix d’un Coca Cola, puisqu’elle a en réalité des racines profondes qu’il faut identifier avant tout .
La mesure irlandaise est alignée sur la récente augmentation de la taxe soda déjà appliquée en France. Le président Nicolas Sarkozy avait introduit la mesure sous son mandat , qui a ensuite continué à être exploitée pour des augmentations de revenus. La taxe initiale était de 7,53 euros pour 100 litres de soda, soit 2,51 centimes pour une canette de 33 centilitres. On pourrait penser que cela est empreint d’ironie, étant donné qu’en faisant partie de la politique agricole commune de l’Union européenne (PAC), la France subventionne également le sucre. Être invité à payer une taxe deux fois, une fois pour la subvention du sucre, et ensuite pour sa consommation, est probablement difficile à avaler pour le consommateur français.
L’observation de la “fat tax” danoise nous apprend beaucoup sur la nature désastreuse de ces taxes. Le Danemark avait introduit une taxe spéciale sur les produits de consommation qui contiennent de la graisse, mais avait abrogé la même loi 15 mois plus tard avec la même majorité parlementaire. Non seulement en ce que la taxe représentait un fardeau supplémentaire pour les personnes à faibles revenus, mais parce qu’elle incitait aussi les consommateurs à acheter des produits moins chers dans les supermarchés (tout en maintenant leurs consommations de matières grasses). La taxe était ainsi sans impact sur la santé et sans impact majeur sur la consommation.
Cependant, la question centrale va au-delà de ces taxes et leurs exemples individuels. Nous pouvons examiner les échecs de la politique au cas par cas autant que nous le voulons, mais nous ne mettrons pas un terme à l’État-nounou si nous n’accordons pas le principe sous-jacent de ses prémisses. Le postulat de cette politique condescendante est le suivant: le consommateur est fondamentalement inapte à prendre des décisions concernant sa propre vie. Aveuglé par l’irrationalité de son propre esprit et de ses instincts, ce ne peut être que par la bienveillance de la politique publique qu’il peut être sorti de sa détresse.
La vérité est cependant très différente. Malgré une opposition presque muette à ces taxes, les consommateurs s’expriment clairement lorsqu’il s’agit de défendre leur pouvoir d’achat. Dans le cas de la taxe sur les matières grasses danoises, nous avons vu les consommateurs rétrograder leurs normes de qualité; un phénomène également susceptible de se produire dans le cas du soda. Le tabagisme est un exemple encore plus flagrant des décisions du marché : malgré les taxes sur le tabac, dont l’augmentation a inspiré les cigarettes électroniques, le grand retour du tabac à rouler et a soutenu simultanément un marché noir qui fait qu’une cigarette sur cinq en France provient du commerce illicite, le nombre total de fumeurs n’a toutefois que légèrement diminué.
Les gens veulent fumer, manger des aliments gras et boire du Coca Cola, et les politiciens doivent commencer à s’y habituer. Ce sont tous des produits que nous devrions consommer avec modération et en ayant une information transparente sur les risques de santé qui y sont liés Mais il ne devrait pas s’agir de critiquer le désir inné de les consommer. Il n’y a pas de raison de se sentir mal à dire : nous aimons les bonbons, le chocolat et le soda.
Nous pourrions très bien débattre d’une directive de l’UE sur la taxation des boissons gazeuses d’ici 2020, mais compte tenu de l’inefficacité de la mesure, il s’agit simplement d’un coup de marketing politique vertueux faisant écho à des lois bien intentionnées mais malavisées.
Laissons les consommateurs choisir eux-mêmes.
Cet article a été publié par Les Echos.
Thanks for liking and sharing!