L’arrivée des e-scooters en Europe nous montre que l’économie de partage pose de plus en plus de défis pour le législateur. La réponse devrait être de permettre, et non pas d’interdire.
Que ce soit à Prague, à Paris, à Milan : les e-scooters de marques différentes arrivent sur les voies publiques, s’ajoutant au mix de transports utilisables. Comme tous les autres moyens, ils remplissent une mission spécifique qui leur est propre: l’e-scooter propose l’avantage du vélo dans l’effort physique, et propose l’avantage du taxi sans un coût élevé. À Bruxelles, ces trottinettes sont établiees et acceptées, et le consommateur a plusieurs choix d’opérateurs. Que ce soit des petits patrons, des assistants parlementaires au Parlement européen, ou des étudiants : la ville profite de l’avantage de cette innovation technologique. Dans des conversations avec des chauffeurs Uber (eux aussi régularisés à Bruxelles, comparé à la rigidité de la législation luxembourgeoise), on me confirme qu’on ne regarde pas les trottinettes comme concurrence. “Ça nous enlève les petites courses” m’affirme un chauffeur Uber dans la capitale belge.
Comme d’habitude, chaque innovation a l’effet d’être disruptive. Personne n’essaiera de prétendre que l’arrivée des e-scooters vient sans points faibles. Au contraire, tout ajout à la circulation demande une adaptation des piétons, des (moto)cyclistes, et des automobilistes aux changements qui arrivent sur le marché. Des accidents peuvent arriver à tous les utilisateurs des voies publiques. En l’occurrence, la question doit être si l’économie de partage en est responsable, ou s’il s’agit plutôt de problèmes initiaux d’une technologie nouvelle. Il convient aussi de dire que les e-scooters en eux-mêmes existent déjà dans la propriété privée des résidents du Luxembourg, donc le conflit semble être celui du partage de ces véhicules.
Tout comme les déploiements rapides d’Uber et d’autres comme Heetch, le déchargement rapide et furtif de centaines de trottinettes du jour au lendemain a incité de nombreuses villes à se battre pour réglementer davantage. Le Grand-Duché n’en a pas été une exception. En France, le projet de loi de la loi sur l’orientation de la mobilité (LOM) pose des questions à ce sujet. Le document explicatif du gouvernement indique:
“L’article 18 donne aux autorités organisatrices la possibilité de réguler les nouveaux services de mobilité. Il s’agit d’accompagner le développement de nouveaux services (scooters électriques, vélos, trottinettes, voitures en libre-service par exemple) et de nouveaux modèles économiques tout en anticipant les impacts sur les autres modes de transport, la fluidité des déplacements et la gestion des espaces publics.”
La sécurité publique, l’ordre public et la fiscalité (pas nécessairement dans cet ordre) ont été les principales motivations des organismes de réglementation. Le plus souvent, les villes ont affirmé qu’on ne leur demandait pas la permission. La mentalité ” réglementer d’abord, innover ensuite” sera sans aucun doute un obstacle à la résolution des problèmes auxquels sont confrontées les villes à travers les pays européens.
Rien n’empêche de poser des règles, mais tout devrait empêcher de traiter ces trottinettes comme monstre du marché libre, à dompter pour le plaisir de ceux qui profitent déjà massivement des options limitées dans la capitale luxembourgeoise (dont les taxis). Une réglementation réfléchie implique de dire aux consommateurs où utiliser les e-scooters (sur le trottoir, sur les pistes de vélos, ou autrement), et de travailler avec les opérateurs pour trouver les meilleurs modes d’utilisation des trottinettes à partager. À titre d’exemple, la ville de Prague a défini plusieurs zones de non-utilisation et d’interdiction de parking pour les trottinettes, imposant les amendes potentielles aux utilisateurs.
Oui, les villes peuvent reconnaître que pas toutes les utilisations de ces trottinettes sont idéales, mais il faudrait aussi qu’ils reconnaissent que le mot “publique” dans “voie publique” implique que chaque citoyen doit avoir la possibilité d’utiliser ces infrastructures qu’il a co-financées.
Les réactions des autorités gouvernementales seront emblématiques envers l’économie de partage tout court. Est-ce que l’Europe veut être le nouveau Silicon Valley du monde, ouvert à la technologie et au progrès, ou est-ce que nous pensons que c’est au législateur de sélectionner à la main les avantages dont nous voulons profiter? Surtout pour le Grand-Duché de Luxembourg, continuer à s’ouvrir au monde, accepter les innovations qui nous aident à résoudre les problèmes environnementaux, de trafic, et de concurrence des services de consommation, doit être la priorité de nos représentants et de tous les participants au débat public.
Cet article a été publié par AGEFI Luxembourg.
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