L’Union européenne annonce agir avec pour objectif de réduire la consommation d’alcool. L’idée la plus récente en la matière : changer la politique fiscale pour encourager le brassage des bières à faible teneur en alcool. Ce changement nuira à toutes les brasseries belges.
La Commission européenne a proposé une modification des taxes sur la bière dans l’UE: à l’heure actuelle, les bières à faible degré bénéficient d’un taux d’imposition réduit, à condition qu’elles aient moins de 2,8% d’alcool. Dans un communiqué de presse, la Commission affirme qu’en augmentant ce taux à 3,5%, davantage de producteurs bénéficieraient des taux réduits et seraient donc incités à produire des bières à plus faible pourcentage. Il assure vouloir “inciter les brasseries à innover et à créer de nouveaux produits”. Pourtant, l’intérêt ici n’est pas d’accorder aux brasseurs des allégements fiscaux, mais de changer l’offre sur le marché.
Que les choses soient claires : les allégements fiscaux sont toujours une bonne nouvelles pour les consommateurs, peu importe sur quoi ils portent et, d’une façon générale, il vaut mieux que l’UE réduise les impôts sur la moitié inférieure plutôt qu’elle les augmente sur l’autre. Cependant, intéressons-nous à la logique sous-jacente que l’Union européenne veut poursuivre dans ce cas. Selon la Commission européenne, les pourcentages inférieurs d’alcool sont meilleurs pour les consommateurs que les pourcentages plus élevés; par conséquent, le brassage des bières moins fortes doit être encouragé. Suivant la même logique, nous pourrions également avancer l’argument que la réduction des taxes sur toutes les bières permettrait en fait de réduire la consommation de vodka. On pourrait aller plus loin et déduire que la réduction des taxes sur la vodka entrainerait une baisse de la consommation des alcools de plus 50%.
Néanmoins, il faut être honnête: la bière inférieure à 3,5% n’est pas une bière savoureuse. Avant que quiconque ne s’offense, notez que les pils et les lagers que vous buvez au fût tournent toujours autour des 5%. La bière à 3,5% est techniquement de la bière, mais elle n’a pas le même goût. Tout comme siroter une limonade, l’expérience est décevante et insatisfaisante si vous vous attendez à obtenir une boisson réellement alcoolisée.
L’obsession de la “santé publique”
L’Union européenne essaie de suivre les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a réitéré ce mois-ci son appel urgent à une augmentation des taxes sur l’alcool. L’OMS a fait des maladies non transmissibles (MNT) une de ses priorités. Avec de nouvelles épidémies d’Ebola en Afrique, on pourrait penser que l’Organisation Mondiale de la Santé a des sujets plus urgents à régler, mais il semble que votre consommation de bière est plus dangereuse.
Cela est d’autant plus frappant vu que l’augmentation de la taxe sur l’alcool, préconisée par l’OMS, ne fonctionne pas réellement. Les données empiriques confirment que la sensibilité des buveurs les plus lourds aux changements de prix était statistiquement proche de zéro. Des études encore plus récentes ont montré que les buveurs excessifs (qui consommaient plus de 17,5 unités par semaine) réagissent très peu aux variations de prix.
L’Union européenne n’a pas encore plaidé pour une augmentation des taxes et peut se concentrer sur une refonte du marché. D’un certain point de vue, les taxes sont déjà très lourdes: la bière représente 32% du marché européen des boissons, mais contribue à hauteur de 45% des taxes sur les boissons. Des pays comme la Suède, le Danemark, la Croatie ou la Hongrie pratiquent déjà la TVA sur la bière de 25% ou plus.
La récente renaissance des brasseries semble s’être produite en dépit de l’ingérence des Etats. Sur 8 500 brasseries en Europe, 1 000 ont été lancées l’année dernière. Cela a permis de créer plus d’emplois locaux et de soutenir les producteurs locaux, ce qui devrait pourtant être l’objectif de l’Union européenne, n’est-ce pas? Mais loin de là, l’UE cherche un monde dans lequel votre bière n’est pas seulement chère, mais aussi insipide.
La bière c’est la liberté
Les bières locales (surtout les bières artisanales) ont rendu le paysage de la bière merveilleusement intéressant. Beaucoup de gens sont moins des buveurs de bière que des dégustateurs de bière et la Belgique montre bien que ce n’est pas les bières fortes qui font vraiment la différence. En effet, il y aura ceux qui achèteront la bière la moins chère avec le plus haut pourcentage d’alcool, afin de consommer le plus possible d’alcool. Nous devrions reconnaître que ces personnes ne disparaitront jamais et que si nous leur enlevons leur bière, ils trouveront toujours un autre moyen de se procurer leur dose.
Ne privez pas les gens responsables de leurs bières.
Cet article a été publié par l’Echo.
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