“Pay-to-win”
Une chose est certaine à propos des jeux vidéo : ils peuvent être très frustrants si les niveaux de difficulté ou le mode multijoueur en ligne sont difficiles à accomplir.
Il semble que ce soit un besoin humain fondamental de trouver une solution à ces difficultés. Electronic Arts tente de répondre à ce besoin en intégrant des “loot boxs”, qui sont une sorte de bonus. La gamme de prix se présente comme suit : 500 Cristaux – 4,99 $, 1’000 Cristaux – 9,99 $, 2’100 Cristaux – 19,99 $, 4’400 Cristaux – 39,99 $, 12’000 Cristaux – 99,99 $. Plus vous achetez de cristaux, plus vous augmentez vos chances de progresser dans le jeu. Pour ceux qui décident de ne pas payer il s’agissait d’une façon de tricher dans le jeu.
La communauté des joueurs a manifestée une grande surprise à l’annonce de ces bonus payants dans le nouveau jeu d’EA. Plusieurs appels à boycotter le jeu ont réussi à obtenir une déclaration d’EA, dans laquelle les développeurs ont tenté de s’expliquer – article qui a fini par devenir celui le plus détesté sur le site d’agrégation d’actualités américain, Reddit – et ont décidé de modifier le jeu avant sa sortie.
Les bonus qui pouvaient être achetées ont été réduits et il y a eu des discussions au sujet d’une suspension temporaire des “loot boxs”. Il s’avère que le côté consommateur de l’équation est mécontent du modèle économique des développeurs du jeu, et il sera la responsabilité des développeurs de trouver des moyens innovants de communiquer et d’écouter la communauté des joueurs réguliers.
La question n’est pas de savoir si ces bonus sont bons pour les jeux au non, car c’est un débat que les consommateurs doivent avoir avec les développeurs. Le résultat malheureux de l’indignation actuelle est qu’il a alerté le groupe avec lequel il ne faudra que s’aligner avec prudence : le législateur.
Une réclamation de jeu de hasard non fondée
La Commission belge des jeux de hasard a lancé un débat plus large sur la pratique des loot boxs en initiant une enquête sur les allégations de jeux de hasard.
Les États-Unis n’ont pas non plus été épargnés par une discussion très étrange sur la pratique du jeu : Chris Lee, représentant de l’État d’Hawaii, a décrit Star Wars: Battlefront 2 comme un casino en ligne conçu pour inciter les enfants à dépenser de l’argent. Il cherche une action législative contre ces “pratiques prédatrices”.
La chose étrange au sujet de la comparaison de casino est que les loot boxs ne font pas gagner de l’argent au joueur. L’achat de ces crédits donne simplement aux joueurs une chance d’avancer plus vite et plus facilement dans le jeu, sans multiplier les fonds qu’ils ont investis. C’est aussi la conclusion de la commission des jeux du Royaume-Uni, qui a écrit :
“Un facteur clé pour décider si cette ligne a été franchie est de savoir si les objets acquis dans le jeu à travers d’un jeu de hasard peuvent être considérés comme de l’argent ou ont une valeur monétaire. En pratique, cela veut dire qu’aussi longtemps que les bonus acquis restent dans le jeu et n’ont aucune valeur dans la vraie vie, il ne s’agit pas de jeu de hasard.”
Cependant, les enquêteurs ont admis à contrecoeur que c’était légal, et ont conclu à la fin de la déclaration que, légalement ou non, nous devrions tous nous préoccuper du bien-être des mineurs qui jouent à ces jeux.
Il convient de dire que l’insinuation que des jeunes de 13 ans deviendront des accros du jeu de casino parce qu’ils brûlent leur argent de poche sur un meilleur pistolet dans un jeu vidéo Star Wars est tout à fait ridicule. Et même si les parents sont sérieusement préoccupés par la santé de leur enfant, ils devraient prendre des décisions spécifiques au sein de leur famille qui correspondent à leurs besoins.
Choisissez vos batailles (Star Wars) avec sagesse
N’avons-nous pas appris quoi que ce soit du débat extrêmement épuisant sur les jeux vidéo violents ?
Dans la communauté des joueurs, beaucoup semblent heureux que les législateurs se penchent sur la pratique consistant à inclure des loot boxs. Ces derniers sont décriés comme injuste et ruinent le plaisir du jeu. Cependant, les joueurs devraient être avertis de ne pas se mettre au lit avec les législateurs quand il s’agit de l’industrie des jeux vidéo. N’avons-nous pas appris quoi que ce soit du débat extrêmement épuisant sur les jeux vidéo violents ? Il y a dix ans, des discussions étaient : “Est-ce que les jeux vidéo violents rendent les enfants plus agressifs ?” Le débat a finalement été réglé par la preuve scientifique qu’il n’y a pas de corrélation entre les deux, mais avec l’esprit d’aujourd’hui d’une action réglementaire rapide, nous n’aurions même pas eu le temps d’établir cette preuve en premier lieu.
La communauté des joueurs devrait montrer leur pouvoir d’achat afin d’émettre de la pression sur les développeurs. Il’ s’avère que rendre les jeux inintéressants pour la majorité de vos clients est un mauvais choix commercial qui peut facilement être exploité par vos concurrents. Faire équipe avec les législateurs peut ouvrir la porte à une implication gouvernementale à grande échelle dans le domaine du jeu vidéo, et pourrait rapidement se retourner contre ceux qui l’ont demandé en premier lieu.
Cet article a été publié dans l’Echo.
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Je ne pense pas que l’argument du débat sur les jeux vidéos violents soit vraiment valable dans ce cas de figure. L’idée, c’est surtout que les jeux vidéos violents n’encouragent pas à la violence – ou alors, seulement dans le jeu, mais avec assez peu d’impact sur la vie réelle du joueur. En revanche, les jeux utilisant un système de loot boxes encouragent bel et bien à l’achat par un tas d’incitations psychologiques plus ou moins conscientes ; et là, il va sans dire que la vie réelle du joueur en subit les effets.
Bon, bien sûr, ça ne va pas pousser tout le monde à dépenser des fortunes, mais il faut reconnaître que quand les prix obtenus par les loot boxes ont un impact réel sur le jeu et suivent des mécaniques défavorables au joueur (probabilités très faibles mais que le joueur ne peut pas connaître, ou autres), c’est une pratique malhonnête et encourageant à la dépense pour éviter de perdre constamment ; c’était le cas pour Battlefront 2. Et si on se penche sur d’autres cas type Counter Strike : Global Offensive et tout le marché de “skin gambling” qui s’est développé autour de ce jeu, on peut trouver de véritables cas de loot boxes transformées en véritable jeu d’argent.
Je pense que l’argument est valable en terme de comparaison de l’effet législatif. L’argument de mon article est justement qu’il faut éviter d’impliquer l’Etat dans cette discussion, puisque A) le législateur n’est pas du tout informé sur le sujet, B) dès qu’il commence à légiférer, il va en faire une habitude dans le domaine des jeux vidéos, C) il n’y a rien de conclusif en terme d’études. Juste parce qu’une corrélation semble évidente pour quelques uns ne veut pas dire qu’on peut en tirer des conclusions.
Je trouve plutôt que la communauté de ceux qui achètent les jeux sont dans la mesures de décider ce qui leur plait au pas. Si EA a fait une gaffe avec le jeu, alors leurs chiffre d’affaires va en souffrir. Si par contre la communauté aime juste se plaindre, mais continue à jouer le jeu, alors nous allons voir un effet multiplicateur des loot boxes.
Je reconnais que sous cet angle c’est justifié, en particulier dans le cas de Battlefront dont la seule faute (même si assez importante vu le prix du jeu) était de céder au principe de pay-to-win. Mais il serait peut-être judicieux de garder un oeil sur d’autres jeux, comme CS:GO et sa myriade de sites de skin gambling qui constituent autant de casinos échappant aux régulations